James Sunderland reçoit une lettre de sa femme Mary lui expliquant qu’elle l’attend dans leur « endroit à eux » dans la ville du nord est américain de Silent Hill. Son épouse est pourtant morte il y a 3 ans, il le sait. Mais la lettre est bien écrite par Mary, il saurait reconnaître son écriture parmi mille autres.
C’est sur ces notes, d’ailleurs reprises par Resident Evil 7, que démarre Silent Hill 2 alors que James se gare devant Toluca Lake, le lac qui surplombe Silent Hill, pour aller se rafraîchir dans les toilettes publiques à l’entrée de la ville.
Silent Hill 2 traite de thème si profond qu’il en est intemporel. Cette oeuvre n’avait pas besoin d’un remake pour hanter encore à ce jour ceux qui ont réussi à la parcourir de bout en bout en 2001, ou après pour ceux qui ne l’avaient pas fait à sa sortie. Elle est intemporelle, ce n’est donc pas un soucis.
C’est en tous cas son propos qui est intemporelle, son gameplay quant à lui reste très complexe à aborder en 2024 et un remake n’était pas de refus pour ce qui restera selon moi le plus grand jeu d’horreur psychologique qui n’ait jamais été conçu.
Silent Hill 2 est même un monument du jeu vidéo. Alors tenter le remake était un pari risqué pour Konami. Offrir ce remake à la Bloober Team qui n’a jamais su convaincre par leur propres productions les plaçant plusieurs crans en dessous de la légendaire et aujourd’hui décimée Team Silent, a complexifié encore plus ce pari.
Mais il règne une atmosphère étrange autour de Silent Hill. Quelque chose de surnaturelle.
La musique d’intro à ce test, par exemple, est une reprise acoustique de « The Promise » d’Akira Yamaoka, auteur de la bande son de Silent Hill 2. Une cover qui fait parti de mes vidéos youtube préférée sur la plateforme sur laquelle je passe autant de temps et que j’écoute régulièrement depuis 2006.
Elle est le testament d’une époque révolue. D’une époque où youtube était encore sain et pure. Avant la prise d’otage de la plateforme par les publicitaires. Même les chiffres ne font pas sens à la lumière d’une lecture en 2024. Postée en 2006, cette vidéo compte plus d’un million, trois cent milles vues pour seulement 1000 abonnés.
Les auteurs ont posté cette magistrale reprise et n’ont plus jamais donné signe de vie. Avant de partir, comme un cadeau fait au monde, les deux frères à la guitare ont offert leur reprise via un lien mediafire. Posté en 2006, ce lien est toujours valide, et la reprise du meilleure thème de Silent Hill 2 est téléchargeable encore aujourd’hui, le 8 octobre 2024.
Tout ça pour dire que même l’instantanéité inhérente à internet n’a pu avoir d’influence sur une telle œuvre.
On a déjà eu l’occasion de remarquer tout l’amour et le respect pour l’œuvre Silent Hill 2 que portent les développeurs polonais de Bloober. De Blairwitch à The Medium la filiation à la master class d’horreur psychologique de la Team Silent est évidente. Akira Yamaoka, le compositeur de génie de Silent Hill, intervenant même en personne sur The Medium.
Si la filiation est évidente, on ne peut malheureusement pas en dire autant sur la qualité des œuvres de Bloober. Même si ce point reste éminemment subjectif, aucune n’a factuellement marqué le medium de la manière de Silent Hill 2.
Silent Hill 2 marque au fer rouge comme très peu de jeu, et très peu d’œuvre en vérité, ne marque. Une trace indélébile qui a fait la renommée du jeu mais qui rendait par la même occasion la tache d’un remake extrêmement lourde et si l’équipe Bloober est talentueuse, pas de débat là-dessus, ce n’est probablement pas le choix qui sautait aux yeux pour refaire ce jeu.
Et les premiers trailers nous avaient aucunement rassurés. Le budget semblait particulièrement limité et ce qui était une grande production en 2001 semblait devenir un petit AA aujourd’hui.
Ce fut ainsi un véritable soulagement de voir que Konami a décidé de créditer les développeurs originels de la Team Silent à la fin du jeu en plus de l’équipe Bloober aux manettes de ce remake.
Et bien après avoir passé plusieurs dizaines d’heures de jeu sur Silent Hill 2 Remake, le terminant plusieurs fois au passage, nous sommes ravis de vous annoncer que nous nous étions tous trompés.
Silent Hill 2 remake est fidèle, spectaculaire, possède une rigidité cohérente avec le propos d’origine, et la refonte sous Unreal Engine 5 est globalement très maîtrisée même si tout n’est évidemment pas parfait.
On notera par exemple les coupures entre phases de gameplay et cinématiques qui cassent un peu l’immersion. Quelques bugs mineurs ici et là notamment sur les comportements des monstres qui ont l’avantage de se marier pleinement avec le propos du jeu et sont donc pas du tout dérangeants et des animations trop rigides.
Comme évoqué plus tôt, cette rigidité reste toutefois pleinement explicable par le propos du jeu. L’expérience Silent Hill 2 ne peut pas être pleinement réussie sans cette pénibilité ressentie par le joueur comme par James Sunderland.
Son état de détresse et le côté démuni face aux épreuves qu’il a affronté n’aurait aucun sens avec un gameplay dynamique et aussi réactif que les The Last of Us Part II ou Resident Evil 2 Remake dont il s’inspire assez clairement.
Et comme souvent lorsque l’on joue à ce petit jeu, nous faisons face ici à une boucle qui se boucle. The Last of Us et Resident Evil sont deux licences qui se sont énormément inspirées de Silent Hill et c’est aujourd’hui à Silent Hill de se servir.
Gameplay
On peut maintenant ramper ou grimper sur des éléments ou encore sauter vers un passage en hauteur. Pour illustrer cette rigidité, comprenez que ces actions ne sont possibles que via des éléments contextuelles. On ne peut pas opérer à ces actions librement comme dans un The Last of Us Part II ou on peut se mettre à ramper ou sauter n’importe où.
Plus marquant encore, Silent Hill 2 Remake embarque dans son level design le même système que TLOU 2 où l’on peut pousser une caisse pour libérer un chemin ou se donner accès à un autre en hauteur. Si ces actions sont entièrement libres dans TLOU 2, elles sont entièrement scriptées dans ce remake puisque le saut sera impossible à réaliser si la caisse n’est pas posée au pixel prêt à l’endroit voulu par le jeu, ce qui se matérialise ensuite avec les poignées de la caisse qui se baissent la figeanr complètement dans le niveau.
Et même si cette pénibilité est un mal nécessaire, les combats restent bien plus dynamiques qu’à l’époque. James peut se servir de son légendaire bout de bois mais également d’un pistolet, d’un fusil à pompe et d’une carabine. On retrouve également d’autres armes en NG+ que nous ne révèlerons pas ici.
Les combats contre les monstres reposent sur une chorégraphie très simple, on reconnait les patterns d’attaques ennemis, on les laisse frapper tout en esquivant avec rond ou b et on attaque quand la fenêtre est libre.
Ces fenêtres de tir sont plus ou moins fréquente et simples à repérer selon les monstres. Et sans être bien fou, le bestiaire est suffisamment varié pour garder ces combats très engageants. Même si les doubles jambes restent les pires ennemis jamais modélisés tant ils font flipper à cause de leur tendance à se cacher dans les recoins les plus improbables de chaque pièce. On a adoré les détester.
James Sunderland est désormais capable de casser du verre que ce soit des carreaux de voitures pour récupérer des balles de revolver laissées sur une banquette arrière, de vitrines d’un magasin pour se dégager un passage et contourner une porte verrouillée, ou encore la porte vitrée d’un placard pour y récupérer du stuff important.
Et Silent Hill 2 réussit à ne pas tomber dans les travers de The Last of Us au sujet du stuff ou on se retrouve à faire l’aspirateur dans chaque pièce du jeu pour récupérer trois boulons et un bout de ciseaux. Ici le stuff est limité, il s’agira uniquement de munition et de soin.
Mais on se retrouve bien à ouvrir tous les tiroirs de chaque pièce pour tout récupérer. Une attitude à percevoir comme une mise en abyme de l’état psychologique de James qui use de tous les mécanismes possibles pour survivre, simplement.
Et le soin est séparé en deux éléments, les bouteilles d’alcool qui vous redonne une portion seulement de votre vie et les seringues qui vous redonnent toute votre vie. Pour utiliser les premières, une pression sur triangle ou y suffit, pour utiliser les seringues il faudra maintenir longuement la même touche. Tout est fonctionnel.
Au contraire de l’écran rouge qui indique votre état de santé déclinant. L’absence de HUD oblige, les développeurs polonais ont dû trouver un moyen pour indiquer cet état de santé. Il s’agit d’un vulgaire overlay rouge qui gâche totalement le travail artistique et technique époustouflant autour du jeu. L’avantage c’est qu’on est toujours vigilant à être en bonne santé pour s’éviter cet écran rouge.
Cette absence de HUD est à la base d’une immersion grandement renforcée par la Dualsense sur PS5 (et probablement également sur PC quand on y branche une dualsense mais ne l’ayant pas testé sur ce support roi, nous ne pouvons vous le confirmer pour l’instant) puisque comme en 2001, la présence des monstres est marquée par du bruit sur notre radio. Ces grésillements sortiront de votre installation sonore mais également du haut-parleur même de la manette.
La radio est un élément important du jeu et on l’acquiert différemment d’il y a 23 ans. Même si l’appel qui suit directement la découverte de cette radio est toujours présent et toujours aussi énigmatique. Ce moment précis symbolise parfaitement ce qu’est l’entièreté de Silent Hill 2 Remake. Beaucoup de nouveautés et de restructurations pour un jeu qui comporte tous les éléments marquants d’antan.
Le travail sonore sur ce remake est tout à fait remarquable. Les thèmes originaux d’Akira Yamaoka sont bien entendu présent tout comme les effets sonores des pas, des armes ou encore des monstres qu’il avait entièrement composé sont à la base des effets utilisés dans ce remake.
Mieux encore, nous avons adoré détester l’exploitation des basses lors des moments avec le plus de tension. Pas sûr que nos voisins aient autant apprécié. Le sound design sert définitivement le propos du jeu et participe grandement à l’établissement de l’aspect éreintant de Silent Hill 2. Il nous a fait peur et sans avoir recours à la facilité du jump scare façon Alan Wake 2.
En termes de structure, le monde de Silent Hill 2 présente une ville ouverte aux chemins toutefois très balisés. Vous tomberez très fréquemment sur des rues fermées et des routes détruites. Toutefois l’exploration reste entièrement libre. Le jeu est ensuite divisé en 4 gros donjons sur lesquels nous reviendrons.
Pour explorer cette ville il vous faudra comme dans la vraie vie, une carte et Silent Hill 2 se veut immersif. Pensez-y, pourquoi est ce qu’on a accès à une carte dans un jeu video ? Dans l’écrasante majorité des cas, la réponse est malheureusement très bête : parce que j’ai appuyé sur select ou peu importe le nom de la touche de la map quand elle n’est pas directement présente dans un coin de l’écran avec une boussole au dessus vous indiquant la place de votre objectif au mètre près.
Silent Hill 2 est un vestige d’une époque où le jeu vidéo tentait d’expliquer ces choses-là. Pour avoir accès à une carte il faudra d’abord la trouver. Et celle-ci servira réellement à vous repérer et à explorer.
Ainsi, le fonctionnement des maps dans Silent Hill 2 remake est globalement similaire à celui de la map qu’utilise Ellie et Dina à leur arrivée à Seattle dans The Last of Us Part II. Il y en a plein, et elles sont intégrées de manière diégétique.
James Sunderland les annotera en direct au fur et à mesure de vos découvertes. Vous trouvez un document qui fait état d’un outil important à récupérer au Texan Café ? James ouvrira sa carte et apposera un point d’interrogation au niveau du café sur sa carte. Vous arrivez devant une route détruite et ne pouvez continuer votre chemin, James barrera la carte à ce niveau précis pour indiquer que le chemin est ici bloqué.
Et pour avoir accès à ces informations, il faudra d’abord trouver ces maps. La première vous balisant le chemin vers Silent Hill est directement dans votre voiture. La seconde est immanquable puisqu’elle fait l’objet d’une cinématique. Ces cartes sont stylisées et ressemblent aux vraies cartes de villes pour touristes.
Un bâtiment à explorer disposera de plusieurs cartes, une par étage. Et croyez-nous, vous en aurez besoin ! Le level design de ces différents bâtiments qui font office de donjons dans lesquels vous passerez plusieurs heures est merveilleux.
De la résidence Wood Side à la prison, en passant par l’hopital, les lieux sont totalement maitrisés. Magnifiques et aux chemins allant dans tous les sens, ils vous feront perdre la tête. L’accès à une pièce fermée reposera parfois sur des stratégies de contournement.
L’accès à la pièce 302 m’est bloqué ? Et si j’entrais en 303 dont je viens de récupérer la clef dans le vide ordure aux sous-sols et je tentais de briser le mur mitoyen qui m’ouvrirait l’accès à la 302. Ou peut être qu’au niveau de la pièce 402 je trouverais un trou vers la pièce du dessous ?
Voilà la philosophie sur laquelle repose le LD de Silent Hill 2 Remake. Et ne vous inquiétez pas, aucune de ces interactions n’est tirée par les cheveux. Les murs cassables, comme les conduits vers lesquels on peut ramper ou les passages en hauteur sont marqués par du tissu blanc.
Cela saute moins aux yeux que la peinture jaune dont toute l’industrie badigeonne leurs jeux et cela a le mérite de ne pas dénaturer la direction artistique nouvelle comme d’origine de Silent Hill 2. Il faudra juste bien ouvrir les yeux et réfléchir autrement.
Cette structure de niveaux alambiquée est sublimée par des énigmes d’une maîtrise rare dans le jeu vidéo. Elles poussent également de temps à autres à réfléchir autrement. Le jeu vous habitue à résoudre de manière logique et presque mathématique la plus part des énigmes puis vous prendra à contre pied avec des énigmes plus visuelles.
Comme à l’époque, la difficulté des énigmes peut être réglée en début de partie. Attention, toutefois ces énigmes modifiant directement la structure même du jeu, vous ne pourrez pas modifier la difficulté des énigmes en cours de partie. Au contraire de la difficulté des combats modifiable à souhait n’importe quand.
On vous conseille vraiment de ne pas googler les solutions à ces puzzles. Sécher, parfois longuement, pour les trouver soi même fait entièrement parti de l’expérience et la satisfaction qui s’ensuit est similaire à celle que l’on ressent quand on bat un boss.
Par contre, on vous conseille également de régler la difficulté des énigmes en mode standard, car le mode difficile est vraiment très complexe. On a été bloqué pendant plus de deux jours sur une énigme ici. Et cela bloque donc totalement votre partie.
Vous pourrez tester tout cela en NG+ pour profiter de nouveaux modificateurs graphiques, de nouvelles armes et surtout de nouvelles fins. Et en parlant de fin, ce qui ne change heureusement pas dans ce remake c’est l’histoire.
On a posé les bases en introduction et nous n’en révèlerons pas plus mais sachez que les thèmes abordés à l’époque sont toujours présents et toujours aussi marquants. Et 23 ans plus tard le constat reste le même, très peu de jeux vidéo pour ne pas dire aucun, n’osent traiter ce que Silent Hill 2 dépeint.
Et la façon dont il les traite reste inégalée. Rien n’est explicite, tout est symbolique. Si bien qu’un joueur peu attentif, parcourra la petite quinzaine d’heures de jeu que demande Silent Hill 2 Remake pour le terminer en passant complètement à côté de tous ces thèmes pourtant très forts.
Et cela fait de Silent Hill 2 Remake un jeu éreintant.

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